Elle n’a pas déménagé bien loin, Anne-Sophie Sabini. Après six années passées à La Table, le bistro de La Réserve de Beaulieu, elle a ouvert en début d’année son propre établissement, So’Mets, en plein centre de ce très chic village de bord de mer. Un joli bistro, moderne et élégant, avec une belle terrasse, dans une perpendiculaire à l’axe principal. Elle y propose une cuisine très légumière, sans être végétarienne, créative mais respectueuse des classiques, et qui a tapé dans l’œil du Guide Michelin qui vient de l’intégrer à sa sélection, neuf petits mois après son ouverture.
Il faut dire que cette trentenaire originaire de Lyon est allée à bonne école. “On a toujours beaucoup aimé la nourriture et le vin. J’ai été élevée avec ça. Ma mère cuisinait tout, il n’y avait pas de surgelés.”
Les étoiles et rien d’autre
C’est alors qu’elle n’est qu’au collège, qu’elle a soudain la fourchette qui la démange : “Mes parents m’ont permis de travailler dans un restaurant, pas loin de chez moi. C’est là que j’ai eu le déclic. Au lycée, j’ai continué pour me faire de l’argent de poche.” À ce moment-là, alors que certains rêvent depuis des années de devenir docteur, esthéticienne ou magistrat, elle n’a pas encore de métier qui la fasse rêver : “Au collège, j’ai fait un stage dans une crèche. C’est le genre de métier vers lequel on nous poussait à cette époque. Ça ou maîtresse d’école,” se souvient-elle en souriant.
Parce qu’à ce moment-là les filles, ça ne va pas vraiment en cuisine. La graine de carrière met quelques années à germer. Mais quand c’est décidé, elle fonce : “Au bout de ma deuxième année de lycée, j’ai décidé de retourner en CAP, en cuisine, et d’aller vers la gastronomie. J’ai tout de suite su que je voulais travailler dans des étoilés.” Pendant ses recherches d’apprentissage, certains patrons essaient de l’orienter vers le service. C’est mal connaître Anne-Sophie, qui n’a pas vraiment besoin qu’on réfléchisse à sa place.
Travail acharné
Elle décroche un apprentissage à Condrieu, dans un établissement doté d’un macaron Michelin, et c’est le début. “J’avais 17 ans, j’avais mon appartement. J’adorais ce que je faisais, je travaillais tout le temps. Quand je rentrais chez moi, je faisais des dessins. Des fiches, sur lesquelles je dessinais les assiettes et je notais les recettes.”
Quelques années plus tard, après un passage pas L’Oustau de Baumanière aux Baux-de-Provence, trois macarons, où elle apprend aux côtés de Sylvestre Wahid, c’est à La Pinède, à Saint-Tropez, qu’elle est engagée par le propriétaire, Jean-Claude Delion. Elle pose ses couteaux à côté de ceux d’Arnaud Donckele. Une aventure. “On a eu la deuxième et la troisième étoile ensemble.”
L’esprit bistrot
Et puis, alors qu’elle est encore à La Pinède, on lui propose des vacances un peu spéciales : “Un chef belge m’a proposé de faire l’ouverture de son bistrot. J’ai accepté. J’ai eu un déclic : travailler des beaux produits, dans la qualité, avec une cuisine ouverte, dans le partage avec les clients, ça a été une révélation. Alors quand M. Delion m’a proposé d’ouvrir La Table, le bistrot de La Réserve de Beaulieu, c’est tombé à pic.” Elle y rencontre un vrai succès, couronné par un Bib gourmand au Michelin.
Pendant ces années-là, une opportunité se présente. “C’était une des clientes de La Table qui vendait cet établissement. Elle faisait surtout des petits-déjeuners. C’était en vente depuis longtemps. Mais je n’étais pas prête. J’avais déjà un dossier tout prêt, avec un business plan, des recettes, des fiches techniques. Mais je n’étais pas prête.” Et un jour, six ans après être arrivée à Beaulieu, elle sent que c’est le moment de voler de ses propres ailes.
Haute bistronomie
Dans ce nouveau chapitre de son épopée, elle est suivie par quelques membres de son équipe. En quelques mois, elle s’est déjà fait une belle clientèle, auprès de laquelle elle aime évoluer, avec laquelle elle aime échanger.
“J’ai eu un vrai déclic pour la bistronomie. Même avec des petits produits, qu’on ne trouvera pas en gastronomie, on peut faire des trucs de dingue. La gastronomie me manque, bien sûr, et je travaille toujours mes assiettes tout autant qu’avant. Mais je cherchais un contact différent avec les clients. Le bistrot me permet de tout avoir : la cuisine et le contact avec les clients.”