Le lendemain, après avoir siroté un petit café sur le port, me voilà prêt à affronter la traversée du désert des Agriates. La région est loin d’être désertique car elle se couvre d’un maquis luxuriant et est le refuge de la vie sauvage, mais tout au long des 40 km, je ne rencontrerai aucun village. Par contre, heureux hasard, je rencontre en sens inverse les participants du raid d’ultra longue distance du Bikingman : les aventures se croisent en Corse.
A la sortie du désert, peu après Ponte-Lecchia, c’est la porte vers le Giussani, un monde à part. Découvrir l’île à vélo permet de toucher l’âme corse qui se découvre dans cette terre oubliée. Les routes sont infinies, tournoient sans trop savoir où elles peuvent me mener, vers des champs abandonnés ou vers des villages vidés de leur population. Des hameaux qui avaient pourtant connu une certaine prospérité par l’exploitation de la châtaigne ou de l’olive, au XIXe siècle.
Aucun doute, je me plonge dans la région avant d’escalader le Bocca a Croce, digne des Alpes. Au sommet, le changement de décor est brutal. J’évolue sur un autre versant dans un site aride, fait de chaos de pierres. Le paysage est infini, se confond entre le ciel, la terre et la mer. Plus je monte en altitude, plus le maquis se fait rase : les vents violents et le froid de la montagne se substituent à la chaleur du bord de mer. L’image d’une Corse baignée par ses eaux turquoise est battue en brèche. Là-haut, c’est le royaume de l’aigle royal, du granite et de la haute montagne.
L’itinéraire traverse une vallée perdue, celle formée par le Colombano. Arrivé au col éponyme, la beauté de l’île est provocante. Dans la plongée vers la Balagne, en amphithéâtre autour de la Grande Bleue, se déroule face à moi des villages de caractère.